Introduction
Ce document de vulgarisation est tiré de l’article scientifique intitulé : « Le bendre ou tambour calebasse des moose processus de fabrication » publié en Décembre 2020 dans la revue African Journal Littérature and Humanities.
Le Bendre, de la famille des membranophones d’Afrique de l’Ouest, se retrouve chez les Malinkés, les Sénoufos (Bamana) sous diverses appellations selon les communautés : «bara » en Bamana, « kwor » chez les Birifor et gboro chez les Lobi et au Nord du Bénin appelé, en Haoussa, dumaa. Chez les Moose du Burkina-Faso, le Bendré ou encore tambour royal, était comme tant d’autres instruments l’un des premiers instruments à servir de moyen de communication dans la société traditionnelle moaaga jusqu’à nos jours. Dans le plateau moose, le bendre est plus utilisé dans les régions d’Ouahigouya, Kaya et Ouagadougou. Il occupe également une grande place dans l’échelle musicale traditionnelle. Bel instrument respecté qui s’intègre aisément dans la tradition et la modernité, à l’évolution actuelle, il est joué dans les chorales, dans des orchestres tant à Ouagadougou qu’à l’extérieure par des musiciens contemporains. De plus en plus, en dehors des grands rituels des cours royales, le bendré retrouve son indépendance dans les cabarets pour jouer seul ou en compagnie d’autres instruments sonores traditionnels tels que le lunga (tambour cylindrique à une membrane paire). Cependant, sa technique de fabrication, très complexe est parfois exercée uniquement par des initiés. Ce qui entraine une méconnaissance totale de ce processus qui intègre en même temps rite et savoir-faire ancestral. Nous tenterons de nous intéresser à la question en adoptant le plan suivant : dans un premier temps nous allons étudier l’importance du bendre dans la société moaaga, ensuite nous verrons le processus de la fabrication en trois étapes avant, pendant et après la fabrication.
1- Fonction socio-culturelle de l’instrument
Il est comme d’autres instruments, l’un des premiers instruments traditionnels à servir de moyen de communication dans la société traditionnelle. Il est joué lors de l’intronisation d’un chef, des funérailles, des festivités, des rituelles ou pour annoncer des messages graves ou solennels.
1-Le bendnaba (le chef tambourinaire)
C’est une génération de roi mossi en charge depuis des générations du Bendre. Savoir et pouvoir qui se transmettent de père en fils ou de père en frère, chaque génération se voit transmis le chapeau de Ben-Naaba et doit en porter la lourde responsabilité et des devoirs que cela implique à la cour royale et dans la société. De la conception à la réalisation, les BenNaaba respecte scrupuleusement un protocole pour chaque étape. C’est le groupe de personne qui n’a pas besoin d’audience pour voir n’importe quel Roi que ce soit. Ils ne se déplacent ni se décoiffent pour saluer les rois lors des grandes cérémonies, placé sous un hangar tous les instrumentistes. Ils bénéficient d’une attribution spécifique d’un pouvoir royale, car n’importe quel chef coutumier n’a pas le droit de leurs prendre leurs femmes sous peine de se voir retiré son chapeau. Par contre, les Ben-naaba ont le droit de prendre une femme là où ils en ont la possibilité, même dans la cour royale.
2- La fonction Sacré du Bendre
2-1-Au moment de la fabrication
Pour faire un Bendre il faut réunir plusieurs éléments à savoir la grande calebasse en fonction du fabriquant pour le choix de la taille, la peau d’une jeune chèvre, la peau d’animal sauvage durable de préférence, une corde traditionnelle durable ( à la place du zibriou du randga), un fer provenant des forgerons (parent à plaisanteries) le plus important pour les Ben-Naaba des éléments sacrés à ne pas dévoiler. Dès les premières heures de la fabrication, le bendré se fabriquait dans la maison, avec le modernisme il est possible de le fabriquer dans la cours mais jamais au en plein air. Les Ben-Naaba préparent la peau de la chèvre la veille de la fabrication. Pour son caractère sacré, il faut faire du zoom-koom, du dolo mossi accompagné du to. La première étape vise à faire une ouverture pour vider la calebasse de son contenu. Ensuite on demande la permission aux mannes et ancêtres, ceux de devant et derrière, de gauche et droite la permission de commencer le travail avec le coq en sacrifice accompagné du to qui peut être remplacé de nos jour par le riz. Le protocole de fabrication dépend du propriétaire du bendré, pour celui du Moogho-Naaba, il faut réunir tous les Ben-Naaba du royaume et réunir des éléments comme un mouton, un coq, des colas, de l’argent et il se fait dans l’antichambre du Moogho-Naaba. Le bendré est fait en une journée. A la fin de sa confection, il faut demander l’accord (sôré en mooré) aux devanciers pour commencer à taper. N’importe qui ne peut taper le bendré d’un Ben-Naaba sous peine de mort, il est par contre dit que seul un membre proche de sa famille peut le faire. Hormis le bendré sacré, le bendré utilisé pour les fêtes, les danses populaires, le bendré désacralisé est fabriqué par ses revendeurs sans rite particulier à l’attention de toute personne intéressée.
2-2-Le langage
Pour le comprendre il faut être initié. Peut être initié les princes et princesses, le chef ou toute autre personne ne faisant pas partie d’une cour royale. Un initié peut comprendre sans pour autant avoir le droit de taper le bendré. Son langage est sacré, il conte l’histoire de chaque chef qu’il accompagne depuis ses ancêtres et ne dois sous aucun prétexte omettre un détail.
2-3-Pratique rituelle
Le bendré accompagne les chefs coutumiers tous les matins à leur sortis ainsi qu’à chaque déplacement du chef. Les grands rites coutumiers, les funérailles de rois, de femmes du roi, de prince ou princesse. Un code est utilisé pour chaque évènement. Il est aussi utilisé pour les intronisations de roi. Le bendré des Ben-Naaba n’est joué que devant les rois intronisés par le Moogho-Naaba lui-même. Mais une exception est faite car hormis les grands Rois, il y’a le Tansobkasenga, chef de tous les Tapsoba (les guerriers) qui est le chef de guerre (ministre de la défense) intronisé par le Moogho-Naaba. Le bendré peut aussi accompagner le Roi s’il va en guerre. Le ragnouga, le soisoiga, les rites coutumiers de chaque roi ne peut se passer sans la présence de cet instrument sacrée. Les Ben-Naaba ont un rite coutumier qu’ils font chaque année à l’attention du bendré.
Conclusion
Le Bendre est sans doute l’instrument traditionnel qui a occupé une place importante depuis le temps des royaumes. Fait en pot de terre cuite ou en calebasse selon la zone et les communautés qui l’utilise, il a toujours sa place de nos jours dans les cérémonies coutumières, rituels, dans les manifestations festives, et encore dans la communication des cours royales. Il faut noter que c’est un instrument qui a une longue vie si toute fois il est bien fabriqué et entretenus. Il est devenu de plus en plus populaire sur le plan national, il connait une entrée positive dans la musique moderne, évolue culturellement et artistiquement au plan international. Cependant, on est en droit de se demander si les mutations qui sont imposées à ces instruments ne risquent pas à moyen et long terme de dénaturer leurs musiques dans ce qu’elles ont de distinctive par rapport à celles produites dans d’autres civilisations ? Car, ils ont été, depuis des temps immémoriaux, un des moyens (si non le plus puissant moyen) d’expression de l’identité de ces peuples. Il faut donc reconnaitre que les cultures traditionnelles sonores et immatérielles de façon générale jouent encore un rôle important dans nos pays africains. Certes, la fabrication de leurs instruments nécessite souvent un savoir-faire qui n’est pas à la portée de tous les utilisateurs et des rituels qui ne sont pas toujours inscrits dans les livres. Mais, il revient aux acteurs à différents niveaux de trouver les voies et moyens pour diffuser ces cultures au monde moderne afin d’éviter leur totale disparition.
Bibliographie
-Frédéric Titenga PACERE (1991), Langage des tam-tams et des masques en Afrique (Bendrologie) une littérature méconnu, L’Harmattan, Paris.
–Francis BEBEY (1960),Musique de l’Afrique ; Edition FIRMIN-DIDOT.
–Grégoire KABORE (1994), Les instruments à vent chez les Moose : Tradition et évolution, Mémoire pour l’obtention du diplôme de Professeur de Musique, Ecole de Musique et de Danse.
– Grégoire KABORE (2020), : « Le bendreou tambour calebasse des moose processus de fabrication » publé en Décembre 2020 dans la revue African Journal Littérature and Humanitiespp.163-172
-Junzo KAWADA (2001), « Continuité et discontinuité dans les cultures sonores ouestafricains : rapport internes et interculturels », Cultures sonores d’Afrique II, Hiroshima City University, Japon.
-Junzo KAWADA (2008), « L’avenir du langage tambouriné chez les Moose (Burkina Faso) en tant que véhicule du message historique », Cultures Sonores d’Afrique IV, Université Kanagawa, Japon.
-Oger KABORE (2015), in Culture sonore d’Afrique VI, « Fonctions sociales actuelles de la musique, du conte et de certaines traditions culturelles au Burkina Faso, Paris, L’Harmattan.
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-Pierre AREZORENA (1986), Moos’yuumba – une société africaine, les yuumba et leurs instruments de musique’, 2Tomes, thèse de Doctorat de 3è cycle, Paris VII.